L’enfant est un sujet particulièrement à risque d’intoxication par le plomb pour de multiples raisons, car il cumule de nombreuses particularités physiologiques et comportementales qui concourent toutes à le rendre plus sensible que l’adulte.

– Contamination par voie digestive

  • Taux d’absorption digestive élevé

On estime que le taux d’absorption digestive (rapport entre la quantité ingérée et la quantité passant dans le sang) est 5 à 10 fois supérieur chez le petit enfant que chez l’adulte. Ceci est dû notamment au fait que le milieu digestif du petit enfant est naturellement plus acide, or la solubilité du plomb est augmentée par l’acidité.

En outre, les carences en fer et calcium, qui ne sont pas rares chez le petit enfant, augmentent le taux d’absorption digestive du plomb.

Enfin, le taux d’absorption est plus important à jeun.

  • Ingestion alimentaire importante

Du fait de la croissance et de son activité physique élevée, le jeune enfant consomme, à poids égal, beaucoup plus d’aliments que l’adulte : l’enfant ingère en moyenne 110 g par kg de poids et par jour de nourriture et d’eau, soit 3 fois plus que l’adulte.

  • Exploration orale de l’environnement

Il est naturel pour un petit enfant de porter ses mains et les objets à la bouche. Dans un environnement pollué par le plomb, le jeune enfant se trouve de ce fait beaucoup plus à risque que le grand enfant et l’adulte.

Le portage à la bouche est généralement interdit par les mères qui éduquent leurs jeunes enfants en conséquence. Dans la culture de certains peuples, notamment d’Afrique noire, ce portage à la bouche n’est pas interdit, ce qui constitue un facteur de risque supplémentaire pour ces enfants.

  • Goût agréable des sels de plomb

Les écailles de peinture au plomb ont un goût légèrement sucré, agréable, et peuvent ainsi représenter un substitut de bonbons pour certains enfants laissés sans surveillance et désoeuvrés.

  • Pica

Il s’agit d’un trouble du comportement dont souffrent certains enfants et qui se manifeste par une ingestion compulsive de produits non alimentaires. Cet état, chez un enfant fréquentant un environnement contaminant, le met particulièrement à risque d’intoxication.

– Contamination par voie aérienne

La ventilation, c’est-à-dire le volume d’air brassé par les poumons, est plus importante chez le jeune enfant, pour deux raisons qui s’additionnent :

  • au repos d’un enfant de 3 ans inhale 2 fois plus d’air par kg de poids qu’un adulte.
  • l’enfant est plus actif physiquement que l’adulte, ; sa ventilation d’effort est donc plus importante.

Ainsi, si l’enfant respire dans une atmosphère chargée en poussières de plomb, il se contamine plus que l’adulte.

– Contamination par voie placentaire

Une femme enceinte peut avoir un taux sanguin de plomb élevé pour deux raisons :

  • soit son squelette est chargé en plomb du fait d’une intoxication ancienne, pendant sa propre enfance, et celui-ci est mobilisé sous l’effet des modifications hormonales qui caractérisent la grossesse,
  • soit, plus rarement, une contamination par du plomb environnant est en cours.

Le plomb qui circule dans le sang maternel pendant la grossesse traverse la barrière placentaire et passe dans le sang du foetus, qui peut donc s’intoxiquer. A la naissance, la plombémie de la mère et du nouveau-né sont très proches.

– Elimination par voie rénale

L’élimination rénale du plomb est moins performante chez le jeune enfant. Après une absorption par voie digestive ou pulmonaire, le plomb circule dans le sang avant d’être fixé sur le squelette ; pendant cette période, on estime que le rein de l’adulte élimine 75 à 90% du plomb absorbé, alors que le rein de l’enfant n’en éliminerait que 30%.

– Sensibilité et fragilité du cerveau en croissance

La période de la petite enfance correspond naturellement à un développement très important du cerveau, avec la mise en place d’innombrables circuits qui conduisent aux extraordinaires performances psycho-motrices, cognitives et intellectuelles qui caractérisent l’être humain. Ce cerveau en développement est beaucoup plus fragile que le cerveau de l’adulte à l’effet d’un toxique comme le plomb.

De fait, les perturbations neuro-développementales à long terme induites par une intoxication au plomb dans l’enfance constituent l’effet délétère majeur qui justifie tous les efforts de prévention, de dépistage et de traitement.